Eclaircissements sur "le droit de rétention" de l'administration fiscale

Spotlight
15 septembre 2014

Grâce à la loi du 21 décembre 2013, l'administration des contributions directes dispose désormais de la possibilité d'emporter et de garder des livres et documents appartenant au contribuable, afin de faciliter le déroulement de l'enquête fiscale. En matière de TVA, "le droit de rétention" existe déjà mais il est plus amplement précisé. Afin de clarifier davantage la portée de cette possibilité de "rétention", l'administration a publié une nouvelle circulaire (Circ. AAFisc 26/2014, Ci.RH.831/633.817 et E.T. 126.407, 27 juin 2014 ).

La portée du droit de rétention

L'administration de la TVA disposait déjà du droit d'emporter et de garder certains livres, factures et autres documents (ou des copies de ceux-ci). L'administration peut invoquer ce droit lorsqu'elle estime que les documents précités établissent ou concourent à établir un impôt ou le paiement d'une amende. En matière d'impôts directs, cette possibilité n'existe que depuis janvier 2014, suite à l'introduction d'une nouvelle disposition dans le code des impôts sur les revenus (art. 315ter CIR92).

En vertu de ce nouvel article 315ter, l'administration peut emporter et garder tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant des revenus imposables. Ce "droit de retenir" est ainsi largement formulé, car il permet à l'administration d'emporter tous les livres et documents relatifs à l'activité du contribuable, pour autant que les agents de l'administration estiment que ces documents permettent d'établir un impôt ou une amende. Des biens personnels, tels que des sacs à main ou des porte-documents (pouvant contenir de tels documents), ne sauraient faire l'objet d'une telle rétention. L'administration ne peut toutefois emporter que des livres et documents clôturés afin de ne pas empêcher le contribuable dans l'exercer de son activité.

Conditions

La loi n'impose pas à l'administration de fournir un motif préalable et spécifique lorsqu'elle emporte certains livres et documents. Elle dispose donc d'une large marge d'appréciation à ce sujet. Cela n'empêche évidemment pas les cours et tribunaux s'assurer de l'usage correct et raisonnable de ce droit.

Eu égard à ce qui précède, nous sommes d'avis que des valises, porte-documents, blocs-tiroirs, etc. fermés ne peuvent être emportés par l'administration si elle n'en connait pas le contenu.  Dans ce cas, il serait en effet difficile d'admettre que l'agent de l'administration soit en mesure d'estimer qu'ils contiennent des documents permettant d'établir l'impôt. Selon une lecture littérale de la loi, l'administration ne dispose pas d'un "droit de recherche active" et elle ne peut donc en aucun cas (faire) ouvrir ces valises, porte-documents, blocs-tiroirs, etc. lorsqu'ils sont fermés. Cependant, force est de constater qu'en pratique, l'administration s'arroge souvent un droit de recherche active et que certains tribunaux suivent sa position.

La circulaire confirme néanmoins que le droit d'emporter des documents ne s'appliquerait que dans des situations exceptionnelles. La règle de base selon laquelle le contribuable est tenu de communiquer les livres et documents "sans déplacement" – afin d'être examinés chez lui – reste d'application.

L'expression "droit de rétention" peut prêter à confusion car l'administration dispose plutôt d'une possibilité de rétention, et non pas un droit. L'agent taxateur doit donc toujours s'adresser préalablement au contribuable et lui demander de lui remettre les documents souhaités. De son côté, le contribuable peut toujours refuser de transmettre lesdits documents. Dans de nombreux cas, le contribuable manquera alors à son obligation de collaboration. L'administration pourrait infliger une amende administrative au contribuable en guise de sanction; la prudence est donc de mise.

La circulaire précise que l'administration ne peut conserver les livres et documents au-delà de la durée normale de la vérification. La circulaire omet néanmoins d'expliquer ce qu' il faut entendre par "durée normale". A notre avis, cela signifie à tout le moins que, dès l'instant où l'administration adresse un avis au contribuable (la circulaire cite par exemple un avis de rectification ou un relevé TVA de rectification) basé sur ces livres et documents, elle devra restituer les lui restituer.

Conclusion

La circulaire du 27 juin 2014 apporte des précisions utiles sur le droit de rétention. Elle confirme aussi que l'exercice de ce droit de rétention par l'administration doit se faire dans le respect de l'objectif de cette mesure. Le respect de cet objectif s'impose non seulement quant aux types de livres et documents demandés, aux circonstances dans lesquelles ce droit est exercé, et enfin à la durée de rétention de ces documents.