Mind the (pay) gap : la transparence des rémunérations à partir de 2026 pour lutter contre les discriminations fondées sur le genre

À partir de 2026, les employeurs devront être (plus) transparents sur les politiques de rémunération dans leur entreprise. Avec la Directive sur la transparence des rémunérations, l'Europe passe à la vitesse supérieure dans la lutte contre la discrimination fondée sur le genre. L'impact pour les employeurs ne doit pas être sous-estimé et nécessite une approche proactive.

Contexte

Le principe selon lequel les hommes et les femmes doivent percevoir une rémunération égale pour un travail de même valeur est inscrit depuis longtemps dans de nombreux traités internationaux, européens et textes fondamentaux. En 2025, ce principe ne semble malgré tout pas toujours respecté dans la pratique. Pour faire face à ce problème, l’Union européenne a adopté, le 10 mai 2023, la Directive sur la transparence des rémunérations (Directive (UE) 2023/970 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit). Les États membres doivent transposer cette directive dans leur réglementation nationale pour le 7 juin 2026 au plus tard. Cela signifie que nous sommes à moins d'un an de la date limite de transposition. Dans un communiqué de presse du 13 mars 2025, les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil National du Travail ont annoncé qu'ils étaient en pleine consultation pour veiller à ce que le délai soit respecté. Ils ont annoncé que les conventions collectives n° 25, n° 38 et n° 95, entre autres, seront modifiées. Au niveau régional, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a d’ores et déjà transposé la directive, en tant que premier gouvernement de l'UE. Les règles s'appliquent aux employeurs publics et aux établissements d'enseignement relevant de leur autorité.

Les obligations de transparence des rémunérations s'appliqueront à tous les employeurs, tantdu secteur public que privé, bien que quelques exemptions s’appliquent pour les employeurs ayant un nombre limité de travailleurs. 

La Directive sur la transparence des rémunérations offre une vision concrète des nouvelles obligations à venir, ce qui doit inciter à ne pas rester inactif jusqu'à ce que la directive soit transposée en droit belge. Une démarche proactive est nécessaire car la mise en œuvre de la directive nécessite une analyse et des ajustements afin de pouvoir se conformer aux nouvelles obligations en temps voulu et de manière correcte. Vous trouverez ci-dessous un aperçu des principales choses à faire et à ne pas faire

Transparence des rémunérations lors du processus de recrutement  

Les candidats auront le droit de recevoir des informations sur la rémunération de base ou e la fourchette dans laquelle celle-ci se situe, basée sur des critères objectifs et neutres du point de vue du genre ainsi que sur les dispositions pertinentes des conventions collectives applicables. Ces informations pourront, par exemple, figurer dans l’offre d’emploi. 

Il ne sera plus autorisé d’interroger les candidats sur leur salaire dans le cadre de leur relation de travail actuelle ou passée.

Les offres d'emploi et les titres des postes doivent être neutres du point de vue du genre et les procédures de recrutement doivent être menées de manière non discriminatoire.

Transparence des rémunérations au niveau de l’entreprise 

Vous devrez permettre à vos employés d'accéder facilement aux critères utilisés pour déterminer les rémunérations, les niveaux de rémunération et les tendances salariales. Ces critères doivent être objectifs et neutres du point de vue du genre. Les États membres peuvent exempter les employeurs de moins de 50 salariés de cette obligation.

Transparence des rémunérations au niveau individuel

Les travailleurs auront le droit de demander des informations écrites sur leur niveau de rémunération individuels et sur les niveaux moyens de rémunération, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs effectuant le même travail ou un travail de même valeur. L’employeur devra fournir ces informations au plus tard dans les deux mois suivant la demande. Si les informations sont incorrectes ou incomplètes, le travailleur pourra demander des éclaircissements et des précisions supplémentaires. Vous devrez alors y répondre de manière circonstanciée dans un délai raisonnable. Enfin, les employeurs sont  tenus d’informer les travailleurs de ce droit en leur expliquant comme l’exercer. 

Collecte de données sur l'écart de rémunération entre les travailleurs féminins et masculins

Désormais, les employeurs devront également rendre public les données de rémunération des hommes et des femmes. Cette collecte de données se rapporte à :

  • l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes dans votre entreprise, y compris au niveau des composantes variables ou complémentaires, ventilés par catégorie de salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires ;
  • la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes de salaire variables ou complémentaires.

Le calendrier de publication des rapports varie en fonction du nombre de travailleurs dans l’entreprise :

  • les employeurs ayant au moins 250 salariés doivent faire une déclaration sur la situation pour la première fois en 2026 et au plus tard le 7 juin 2027, ils doivent ensuite faire un rapport  chaque année ;
  • les employeurs ayant 150 à 249 salariés doivent faire une déclaration sur la situation pour la première fois en 2026 et au plus tard le 7 juin 2027, ils doivent ensuite faire un rapport tous les trois ans ;
  • les employeurs de 100 à 149 salariés doivent faire leur première déclaration d'ici 2030 et au plus tard le 7 juin 2031, ils doivent ensuite faire un rapport tous les trois ans ;
  • les employeurs de moins de 100 travailleurs voient leurs obligations de collecte de données déterminées par les États membres eux-mêmes. Il reste donc à voir quelles obligations trouveront, ou non, à s’appliquer. 

L’exactitude des informations sera confirmée par la direction de l’employeur, après avoir consulté les représentants des travailleurs. Les représentants des travailleurs doivent avoir accès aux méthodes que l’employeur a appliqué. Les États membres peuvent organiser cela de manière à ce qu'une partie des informations soit compilée par les autorités publiques sur la base des données administratives fournies aux autorités fiscales ou de sécurité sociale.

Les informations devront également être communiquées à tous les travailleurs et à leurs représentants et, sur demande, à l’inspection du travail et à l’organisme (encore à déterminer) pour l’égalité de traitement. L'inspection du travail et l'organisme (encore à déterminer) chargé de l'égalité de traitement doivent également recevoir ces informations lorsqu'ils en font la demande. L’employeur peut être invité à expliquer les différences de traitement et à prendre des mesures correctrices.  

Dans certains cas, les employeurs, en collaboration avec les représentants des travailleurs, devront procéder à une évaluation conjointe des rémunérations si toutes les conditions suivantes sont remplies : 

  • le rapport de rémunération révèle une différence d'au moins 5 % dans le niveau moyen de rémunération entre les travailleurs féminins et masculins quelle que soit la catégorie de travailleurs ; 
  • l’employeur n’a pas justifié cette différence dans le niveau de rémunération moyen par des critères objectifs et non sexistes 
  • l’employeur n’a pas remédié à cette différence injustifiée de niveau de rémunération moyen dans un délai de six mois à compter de la date de communication des données sur les rémunérations.

Contrôle et sanctions

Les travailleurs qui s’estiment lésés doivent avoir accès à une procédure judiciaire après une éventuelle médiation. Des procédures pourront également être engagées au nom ou à l’appui d’un travailleur. 

Les travailleurs qui ont subi un préjudice en raison d’une violation d’un droit ou d’une obligation auront droit à une indemnisation. Comme dans d’autres cas de discrimination, la charge de la preuve incombera, sous certaines conditions, à l'employeur, par exemple lorsque les travailleurs allèguent des faits qui peuvent suggérer une discrimination directe ou indirecte ou lorsque l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de transparence salariale. Des protections contre les représailles et contre le traitement moins favorable devront également être prévus.

La preuve que le travail est équivalent ou de valeur égale n’est pas limité aux situations dans lesquelles les travailleurs féminins et masculins travaillent pour le même employeur, mais cela s’étend aux situations dans lesquelles une source unique établit les conditions de rémunération (par exemple, une convention collective de travail conclue au niveau d'un groupe d'entreprises ou une convention collective de travail sectorielle). L’évaluation n’est pas non plus limitée aux travailleurs employés en même temps.    

Il appartiendra aux États membres de déterminer les sanctions, mais celles-ci devront inclure des amendes ayant un effet dissuasif efficace. Par exemple, les pouvoirs adjudicateurs pourront exclure un opérateur économique de la participation à un marché public. 

Que devez-vous faire ? 

Tous les employeurs devront examiner attentivement leurs politiques de rémunération, les taux de rémunération spécifiques et les catégories de personnel, ainsi que leurs procédures internes, afin de déterminer les changements urgents. 

Vous devrez préparez des politiques internes et des communications pour vos procédures de recrutement et pour informer vos employées de leurs nouveaux droits. 

En tant qu'employeur de 150 salariés ou plus, il est préférable de commencer à vous préparer dès maintenant afin d’être prêt à déclarer les données de l’année 2026 en 2027. Les employeurs comptant moins de travailleurs ne devront peut-être pas déclarer avant 2031 pour l’année 2030, mais les autres obligations entreront en vigueur pour ces employeurs dès l'année prochaine.

Il est important d'impliquer les organes de concertation sociale compétents dans ce processus et de tenir compte des règles relatives à la protection des données à caractère personnel.

Nous serons ravis de répondre à toutes vos questions sur l'application stratégique et pratique de la Directive sur la transparence des rémunérations dans votre entreprise.