Le « registre UBO » belge démarre

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14 septembre 2018

Le 14 août 2018, l'Arrêté royal relatif aux modalités de fonctionnement du registre UBO belge a été publié. Il entrera en vigueur le 31 octobre 2018. Les sociétés, ASBL (internationales), fondations, trustees et fiduciaires devront communiquer pour la première fois, au plus tard le 31 mars 2019, les données sur le(s) bénéficiaire(s) effectif(s) au registre.


Antécédents

La loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces (MB 6 octobre 2017) a transposé la quatrième directive européenne anti-blanchiment (directive 2015/849) en droit belge et a introduit le registre UBO en droit belge : il s'agit d'un registre central géré par un service de l'Administration générale de la Trésorerie (SPF Finances - https://finances.belgium.be/fr/sur_le_spf/structure_et_services/administrations_generales/tr%C3%A9sorerie/contr%C3%B4le-des-instruments-1-1) dans lequel les données sur les sociétés et autres entités juridiques belges ainsi que sur les personnes physiques qui les composent sont enregistrées. La loi du 18 septembre 2017 stipulait déjà qui devait être considéré comme bénéficiaire effectif (« UBO »). Elle exige que les sociétés, associations et fondations obtiennent et conservent des informations adéquates, précises et à jour sur leurs bénéficiaires effectifs et que leurs administrateurs transfèrent ces informations au registre (voir Eubelius Spotlights juin 2017 en Eubelius Spotlights mars 2018). 

Les modalités du registre n'étaient toutefois pas encore fixées. Il s'agit de la manière dont l'information doit être collectée, le contenu des informations recueillies, la gestion et l'accès à l'information, l'utilisation des données, etc. – en d'autres termes, la mise en œuvre concrète du registre. Cela a désormais été fait. 
Nous donnons un aperçu des éléments les plus importants qui caractérisent le fonctionnement du registre UBO, appliqués aux sociétés belges. Les règles applicables aux associations (internationales) sans but lucratif, aux fondations, aux trusts et fiducies et aux entités juridiques similaires sont, dans une large mesure, similaires, mais elles diffèrent sur certains points (par exemple, en ce qui concerne le contenu des informations à soumettre et l'accès à ces informations).

Contenu de l'information à communiquer au registre

Les sociétés belges ont une obligation d'information très vaste, dont les administrateurs sont responsables. Les administrateurs de la société doivent communiquer au registre les informations suivantes sur chacun de leurs bénéficiaires effectifs : 

  • Nom et prénom ; 
  • Jour, mois et année de naissance;
  • Nationalité(s) ;
  • Pays de résidence ;
  • Adresse complète de résidence;
  • Date à laquelle il/elle est devenu bénéficiaire effectif ;
  • Numéro d'identification au Registre national des personnes physiques ou à la Banque-Carrefour de la sécurité sociale et, le cas échéant, tout identifiant similaire donné par l'Etat où il réside ou dont il est ressortissant ;
  • La/les catégorie(s) de bénéficiaires effectifs à laquelle/auxquelles il/elle appartient ;
  • Si il/elle remplit les conditions de qualification en tant que bénéficiaire effectif individuellement ou avec d'autres personnes ;
  • S'il s'agit d'un bénéficiaire effectif direct ou indirect ;
  •  S'il s'agit d'un bénéficiaire effectif indirect, le nombre d'intermédiaires ainsi que, pour chacun d'eux, son identification complète ; et
  • L'étendue de l'intérêt effectif.

Obligation d'information à l'égard du bénéficiaire effectif

Dans le cadre de leur obligation d'information au registre, les sociétés doivent également fournir à leurs bénéficiaires effectifs, sur un support durable, les informations concernant :

  • Leur obligation de communiquer lesdites données au registre ;
  • L'enregistrement et la conservation de ces données dans le registre ;
  • Le nom et l'adresse du service de l'Administration de la Trésorerie chargé de la gestion du registre ;
  • Les possibilités d'accès au registre ;
  • Le droit du bénéficiaire effectif de prendre connaissance des données enregistrées à son nom dans le registre et de les faire corriger ou supprimer si elles sont incorrectes ; et
  • Le délai de conservation des données. 

Une fois que toutes les données seront communiquées au registre, l'Administration de la Trésorerie informera le bénéficiaire effectif de l'inscription sur le registre et lui fournira les informations enregistrées.

Conséquences en cas de non-respect de l'obligation d'information

On distingue trois manquements à l'obligation d'information, chacun faisant l'objet d'une sanction administrative et/ou pénale :

  • L'absence de collection et de conservation des informations requises ;
  • L'absence de communication (en temps voulu) de ces informations au registre ; et
  • La communication d'informations incomplètes ou incorrectes au registre.

Le Ministre des Finances peut imposer une amende administrative allant de 250 à 50.000 euros aux administrateurs et, le cas échéant, à un ou plusieurs membres de l'organe légal d'administration ou du comité de direction et aux personnes qui, en l'absence d'un comité de direction, participent à la direction effective de la société, lorsqu'ils sont responsables d'une de ces trois infractions.

Si la première ou la deuxième infraction est constatée, les administrateurs de la société se voient également infliger une amende allant de 50 à 5.000 euros (multiplié par les décimes additionnels, soit une amende allant de 400 à 40.000 euros). 

Délai et forme du transfert d'information

L'Arrêté royal relatif aux modalités de fonctionnement du registre UBO entrera en vigueur le 31 octobre 2018. Cependant, en vertu du droit des sociétés, les entreprises disposent d'un délai d'un mois pour transférer les données au registre, à partir du moment où les informations sont connues ou modifiées. Les données devront donc être transférées au registre pour la première fois le 31 mars 2019 au plus tard. Par la suite, les entreprises devront mettre à jour les informations au moins une fois par an. Les informations seront conservées pendant une période de dix ans à compter du jour de la perte de la personnalité juridique ou de la cessation définitive des activités de la société.

L'Arrêté royal stipule que le Ministre des Finances doit encore déterminer les modalités techniques du transfert, de l'enregistrement et du stockage des données. On sait déjà que les données seront transférées dans le registre via la plateforme électronique MyMinfin, après connexion avec un e-ID.

Accès aux informations du registre

Les informations du registre UBO concernant les bénéficiaires effectifs des sociétés belges seront accessibles :

  • Aux autorités compétentes (y compris les autorités fiscales), qui auront accès gratuit à toutes les informations concernant les bénéficiaires effectifs. Celles-ci doivent désigner un membre du personnel responsable de la gestion de l'accès au registre et de la confidentialité des informations obtenues ;
  • Aux entités qui doivent s'acquitter de leurs obligations en matière de vigilance vis-à-vis de leurs clients telles qu'imposées par la loi relative à la prévention du blanchiment de capitaux. Celles-ci auront accès à toutes les informations concernant les bénéficiaires effectifs moyennant le paiement de frais administratifs (à déterminer par le Ministre des Finances). Elles doivent également désigner un membre du personnel chargé de gérer l'accès au registre et la confidentialité des informations obtenues ;
  • Chaque citoyen obtiendra accès moyennant le paiement de frais administratifs (à déterminer par le Ministre des Finances). L'accès est limité à certaines informations concernant le bénéficiaire effectif (le prénom, le jour de naissance, l'adresse complète de résidence et le numéro d'identification au registre national ou l'équivalent du bénéficiaire effectif ne sont pas accessibles au public). 

La troisième catégorie – « chaque citoyen » – a été introduite par la cinquième directive européenne sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (directive 2018/843) afin de permettre davantage de recherches d'informations, notamment par la presse ou les organisations de la société civile, en vue de maintenir la confiance dans l'intégrité des transactions commerciales et du système financier. Les citoyens ne pourront rechercher les informations que sur la base du numéro BCE ou du nom de la société. Une recherche au nom d'une personne physique ne sera donc pas possible. En outre – sur avis de l'Autorité de protection des Données – toute consultation du registre sera enregistrée et conservée pendant dix ans. Cependant, la consultation du registre aura toujours lieu sans que la société ou le bénéficiaire effectif n'en soit informé.

Dans des circonstances exceptionnelles, le bénéficiaire effectif pourra demander à l'Administration de la Trésorerie de restreindre en tout ou en partie l'accès à ses informations dans le registre. Le bénéficiaire effectif devra pouvoir démontrer que cet accès l'expose à un risque disproportionné ou à un risque de fraude, d'enlèvement, de chantage, d'extorsion, de violence ou d'intimidation. Même si le bénéficiaire effectif est mineur ou autrement frappé d'incapacité, une restriction d'accès à l'information pourra être demandée.

Comment s'y préparer ? 

Maintenant qu'une grande partie des modalités de fonctionnement du registre UBO ont été déterminées, il est important de préparer l'entrée en vigueur du registre. Pour ce faire, chaque société peut prendre les mesures suivantes : 

  • Déterminer à quelle catégorie appartiennent ses bénéficiaires effectifs ;
  • Obtenir et conserver des informations précises et détaillées sur ses bénéficiaires effectifs et sur toutes les entités juridiques que les bénéficiaires effectifs utilisent pour exercer le contrôle de la société ;
  • Rassembler les preuves du fait que les informations sont adéquates, exactes et actuelles ;
  • Nommer un représentant légal ou un mandataire disposant d'une carte e-ID, qui peut remplir les informations via MyMinfin au nom de la société ;
  • Mettre en place des procédures au sein de la société afin que tout changement relatif aux informations sur les bénéficiaires effectifs puisse être communiqué au registre UBO dans un délai d'un mois.