Plus de rulings fiscaux pour les biens immobiliers situés en Flandre

Spotlight
15 mars 2015

Pendant plusieurs années, la construction emphytéotique constituait une technique de prédilection pour l'acquisition de biens immobiliers. Vu qu'un tel droit réel bénéficie d'un droit d'enregistrement fort réduit, ledit schéma permettait de réaliser une sérieuse économie. Suite à l'introduction de la nouvelle mesure générale anti-abus en 2012, l'on s'est posé la question de savoir si des schémas impliquant un droit d'emphytéose étaient encore permissibles. Dans deux rulings fiscaux publiés récemment, la commission de ruling a décidé qu'une telle structure d'achat est permise à moins qu'une série de conditions soient remplies et que l'emphytéote et le tréfoncier (futurs) ne soient pas des personnes liées. En ce qui concerne les biens immobiliers situés en Flandre, ces rulings seront (pour le moment) les derniers. Suite à la reprise du service des droits d'enregistrement et de succession par la Région flamande au premier janvier 2015, il n'est plus possible d'introduire une demande de ruling, ce qui mène à une insécurité juridique.

Le droit d'emphytéose est considéré comme le droit réel qui accorde à son détenteur les droits les plus vastes sur un bien immobilier. Ces droits sur un bien immobilier, combinés avec un droit d'enregistrement avantageux d'initialement 0,2%, augmenté par la suite à 2% (ou à 0,5% si l'emphytéote est une personne morale sans but lucratif) participent au succès du droit d'emphytéose en tant qu'alternative (inspirée fiscalement) pour l'acquisition de la pleine propriété. Une technique d'optimisation jusqu'il y a peu très populaire consistait en l'acquisition scindée par laquelle une première société acquiert l'emphytéose moyennant le paiement d'une indemnité s'approchant de la valeur de la pleine propriété du bien immeuble, suivie quasi immédiatement par l'acquisition du tréfonds par une deuxième société liée avec la première. Etant donné que le tréfonds était grevé d'un droit d'emphytéose à longue durée, le droit de vente de 10% ou de 12,5% n'était dû que sur une base imposable assez réduite. La technique de la structure emphytéotique permettait aux acheteurs de réaliser une sérieuse économie au niveau des droits d'enregistrement.

Après la révision de la disposition générale anti-abus par la loi-programme du 29 mars 2012, la question était de savoir si une telle construction était encore admise. Dans sa circulaire administrative du 10 avril 2013, l'administration confirmait qu'une telle construction établie par des sociétés liées doit en principe être qualifiée d'abus fiscal. Sauf dans le cas où la preuve est apportée que la structure d'acquisition choisie se justifie par d'autres motifs que ceux d'ordre fiscal, le droit de vente sera dû sur la valeur vénale de l'ensemble du bien immeuble, fût-ce avec déduction du droit d'enregistrement payé sur la constitution du droit d'emphytéose.

Commission de ruling: encore possible sous certaines conditions

De deux décisions publiées récemment, il peut être déduit que, sous certaines conditions, la commission de ruling estime que la construction emphytéotique reste encore admissible (décisions anticipées n° 2014.215 et n° 2014.596).

Toutefois, une série de conditions, d'engagements et d'obligations à respecter par les parties concernées, sont associées aux décisions favorables. Les conditions les plus importantes peuvent être résumées de la manière suivante :

  • Conformément à la circulaire du 10 avril 2013, le futur emphytéote et le futur tréfoncier ne peuvent pas être des personnes liées et il leur est interdit de le devenir pour toute la durée du droit d'emphytéose.
  • Tant le droit d'emphytéose que le tréfonds doivent être valorisés de manière correcte. Dans les deux cas, il a été stipulé que le canon principal dû pour un droit d'emphytéose d'une durée de 99 ans ne peut s'élever qu'à maximum 92% de la valeur de marché de la pleine propriété. Le tréfonds ne peut dès lors être valorisé à moins de 8% de la valeur de marché de la pleine propriété.
  • Pendant la durée du droit d'emphytéose, l'emphytéote doit payer au tréfoncier un canon périodique, de sorte que le tréfoncier obtient un rendement conforme au marché sur son investissement.
  • En aucun cas, il n'est permis au tréfoncier d'obtenir la pleine propriété du bien immeuble avant l'échéance du droit d'emphytéose. Sous certaines conditions, la pleine propriété peut être reconstituée au niveau de l'emphytéote, à la condition qu'à ce moment, le droit de vente soit payé sur la valeur de marché de la pleine propriété. Dans un tel cas, la commission de ruling n'accepte apparemment pas que les règles normales de perception, suivant lesquelles il doit être tenu compte du fait que le bien immobilier est grevé d'un droit d'emphytéose, trouvent application.

Service flamand des Impôts: circulaire relative à l'abus fiscal

Après la confirmation qu'une justification économique dans le chef du tréfoncier est requise, la commission de ruling confirme également que la construction emphytéotique ne constitue pas d'abus fiscal si l'emphytéote et le tréfoncier ne sont pas des personnes liées.

Ce point de vue est également partagé par le Service flamand des Impôts. Suite à la reprise au premier janvier 2015 du service des droits d'enregistrement et de succession (dorénavant appelé "impôt d'enregistrement " et "impôt de succession" en Flandre), le Service flamand des Impôts a délivré une circulaire dédiée à la notion de l' "abus fiscal" (circulaire n° 2014/2 du 23 décembre 2014). Dans sa circulaire, le Service flamand des Impôts s'est limité essentiellement à la reprise des cas négatifs déjà mentionnés dans la circulaire fédérale de 2013. Ainsi le Service flamand des Impôts est également d'avis que la construction emphytéotique mise en place par des personnes liées n'a pour but que d'éviter le droit de vente flamand de 10% et est dès lors constitutive de l'abus fiscal. Il est pourtant singulier que, dans le cas où le contribuable ne réussit pas à démontrer la preuve contraire, le droit de vente sera dû sans qu'il ne soit possible d'en déduire le droit d'enregistrement fédéral de 2% (ou 0,5%) déjà payé. Par analogie avec ce qui est d'application en Région flamande dans le cas où il y a abus au niveau de la tva, il nous semble que, dans une telle situation, il devrait exister une possibilité d'obtenir la restitution du droit fédéral déjà perçu.

Pas de commission de ruling, mais possibilité de poser des questions interprétatives

Suite à la reprise précitée du service, il ne sera plus possible d'obtenir un ruling en matière d'impôts d'enregistrement et de succession flamands.  Il a en effet été décidé de ne pas établir pour le moment une commission propre de ruling flamand (mémoire du Ministre flamand des Finances Turtelboom).

Afin d'offrir un certain niveau de sécurité juridique, le Service flamand des Impôts prévoit la possibilité de demander de manière anticipée des "décisions interprétatives". Une telle décision interprétative n'a pas la même valeur juridique qu'un ruling (fédéral). En outre, une telle question ne pourrait être posée que pour des matières purement flamandes. Quand une question a trait tant à un impôt fédéral qu'à un impôt flamand, il n'est donc pas possible d'obtenir une décision interprétative. Ceci est plus précisément le cas pour la construction emphytéotique, qui a trait tant au droit de vente flamand dû sur l'acquisition du tréfonds, qu'au droit d'enregistrement fédéral dû sur l'acquisition du droit d'emphytéose.

A partir du permier janvier 2015, il n'est donc plus possible d'obtenir de manière anticipée des garanties quant au traitement fiscal d'une construction emphytéotique relative aux biens immobiliers situés en Flandre. Il va de soi qu'une telle situation va à l'encontre de la sécurité juridique.