Nouvelle législation protégeant les secrets d'affaires : première jurisprudence

Spotlight
13 décembre 2019

Le législateur a transposé en droit belge la Directive (UE) 2016/943 sur les secrets d'affaires l'année dernière avec la loi du 30 juillet 2018 (voy. Eubelius Spotlights septembre 2019). Les nouveaux articles XI.332/1 à XI.332/5 et XI.336/1 à XI.336/5 du Code de Droit Economique offrent une meilleure protection des secrets d'affaires contre l'obtention et l'utilisation illicites. Le tribunal de l'entreprise d'Anvers a été l'un des premiers à appliquer ces nouvelles règles dans un jugement du 9 mai 2019. 

Le 9 mai 2019, le tribunal de l'entreprise d'Anvers a dû apprécier si un prestataire de services, qui fournissait des services à une entreprise en tant que « bras droit technique » du chef d'entreprise depuis plus de 20 ans, avait violé les droits d'auteur, les droits sur les bases de données et/ou les secrets d'affaires de cette entreprise en copiant de grandes quantités de fichiers informatiques sur une clé USB. Les données copiées comprenaient divers esquisses, schémas, dessins (techniques), diagrammes, manuels et photos relatifs aux lignes de production du mandant.

Pas de violation des droits de propriété intellectuelle

Le tribunal de l'entreprise a jugé qu'il n'y avait pas d'atteinte aux droits de propriété intellectuelle en raison du manque de protection des fichiers copiés par le droit d'auteur et par les droits sui generis sur les bases de données. Le demandeur n'a pas suffisamment démontré sur quels points les documents copiés sur la clé USB étaient originaux (et non déterminés techniquement), ni de quelle manière la création d'une base de données avait été réalisée par des investissements substantiels, qualitatifs ou quantitatifs. Sur ce point, le tribunal a souligné que le rassemblement et l'organisation d'informations utiles à l'exploitation d'une entreprise ne suffisent pas en eux-mêmes à créer des droits sur les bases de données.

Violation de la nouvelle législation sur la protection des secrets d'affaires

En revanche, le tribunal de l'entreprise a constaté l'existence d'une violation des règles relatives aux secrets d'affaires. Selon le tribunal, les documents copiés contenaient des informations permettant de reconstituer les chaînes de production du mandant. Le fait que ces données ne sont pas généralement connues par le public crée une valeur commerciale puisque l'utilisation des informations en question permet d'optimiser les lignes de production. De plus, le tribunal a jugé que le mandant avait pris des mesures raisonnables pour assurer la confidentialité de l'information, notamment en incluant une obligation de confidentialité dans les conventions avec les fournisseurs et les employés et en investissant dans la sécurité des données sur ses serveurs.

Le tribunal a considéré que les secrets d'affaires en question ont été obtenus de manière illicite par le fournisseur de services. En vertu de l'article XI.332/4 du Code de Droit Economique, l'obtention des secrets d'affaires est illicite si celle-ci a lieu au moyen d'une appropriation ou copie non autorisée des documents contenant le secret d'affaires ou à partir desquels le secret d'affaires peut être déduit, ou par un accès non autorisé à ceux-ci. Dans son jugement, le tribunal a déduit 'l'incompétence du prestataire de services du fait qu'il ne pouvait pas fournir de raison crédible pour justifier la reproduction d'une telle quantité de documents sur une clé USB.

Obligation implicite de confidentialité

Le tribunal a également jugé que, même en l'absence de contrat écrit entre les parties incluant une clause de confidentialité expresse, l'effet complémentaire de la bonne foi crée toujours une telle obligation de confidentialité. En vertu de cette obligation de confidentialité, le prestataire de services était lié par l'obligation de limiter l'acquisition (et non pas seulement la divulgation) de secrets d'affaires. En copiant les documents concernés sans raison, le fournisseur de services a délibérément violé les secrets d'affaires de son mandant.

Sanction

Le juge a ordonné la cessation de l'utilisation et de la diffusion des secrets d'affaires, sous peine d'une astreinte de 25.000 euros par infraction, avec un maximum de 200.000 euros.