Le retour de la liquidation de sociétés au taux de 10%

Spotlight
15 mars 2015

La loi-programme du 28 décembre 2014 (MB 29 décembre 2014)  a introduit toute une série de mesures fiscales déjà amplement décrites. Il est par contre remarquable de constater que l'introduction de la réserve de liquidation réinstaure par la même occasion, la possibilité de liquider immédiatement sa société au taux de 10%.

Pour rappel: dans un but d'uniformiser les taux en matière de précompte mobilier, le taux applicable aux bonis de liquidation était passé de 10% à 25% depuis le premier octobre 2014. Une mesure transitoire avait été introduite par la même occasion, afin de permettre aux contribuables qui le souhaitaient, de préserver l'application du taux à 10% sur leurs réserves constituées antérieurement, moyennant le respect de toute une série de conditions. L'une de ces conditions pour bénéficier de ce régime, était le respect d'un moratoire de quatre ans (pour les PME) ou de huit ans pour toutes les autres sociétés.

La nouvelle loi-programme réinstaure la possibilité – en sus du régime VVPRbis déjà existant – de bénéficier du taux réduit de 15% sur les distributions de dividendes d'une part, et du taux réduit de 10% sur le boni de liquidation, d'autre part. Ces options ne sont toutefois offertes qu'aux PME.

La différence avec le régime préexistant réside dans le fait que le précompte doit désormais être acquitté de façon anticipée, soit avant une quelconque distribution effective aux actionnaires. D'où l'introduction de la notion de "réserve de liquidation" dans la comptabilité des sociétés. Ici également, le législateur a prévu un moratoire comme mesure anti-abus spécifique avant de pouvoir distribuer la réserve de liquidation, et donc avant de pouvoir considérer le taux réduit de 15% comme acquis, sur les dividendes distribués ultérieurement. 

D'une part, le législateur a ainsi souhaité stimuler le paiement immédiat du précompte mobilier, tout en prévoyant un moratoire de cinq ans avant de pouvoir distribuer effectivement des dividendes au nouveau taux consolidé réduit de 15%, mais d'autre part, la façon dont la modification législative a été opérée, permet de dissoudre et liquider immédiatement sa société à partir du 1er janvier 2015, tout en bénéficiant du taux de 10% sur le boni de liquidation.

En effet, le législateur a exclu l'attribution de la réserve de liquidation dans le cadre d'une dissolution et liquidation d'une société, de la  qualification de revenus de capitaux et biens mobiliers. Cela signifie concrètement qu'aucun impôt supplémentaire (au titre de précompte mobilier ou par le biais de la déclaration à l'impôt des personnes physiques) n'est dû,  si la réserve de liquidation est attribuée après la dissolution de la société en question (et ce, peu importe le moment où la société est dissoute après la constitution de cette réserve de liquidation). Le paiement anticipatif de 10% lors de la constitution de la réserve de liquidation sera l'impôt finalement dû.

L'inconvénient de ce régime réside dans le fait que le prélèvement anticipatif de 10% doit s'effectuer sur la totalité de la réserve de liquidation. Les actionnaires-sociétés n'auront donc pas d'intérêt de constituer une telle réserve puisque dans la plupart des cas, ils ne supportent pas de précompte mobilier sur les dividendes qu'ils perçoivent (même s'ils ne peuvent se prévaloir d'une exemption, ils peuvent en principe imputer ledit précompte avec l'impôt des sociétés dont ils sont redevables). Les actionnaires-sociétés verront par conséquent diminuer leur quotité nette dans les réserves disponibles, lors de la constitution d'une réserve de liquidation avec paiement anticipatif de 10%, puisqu'ils ne pourront l'imputer sur l'impôt des sociétés dû. De plus, aucune  "exemption proportionnelle" n'est prévue pour ces actionnaires-sociétés.

Ce nouveau régime contraindra donc la société distributrice de minutieusement planifier l'affectation de ses bénéfices afin que ses actionnaires puissent bénéficier du taux réduit sur dividendes distribués (comme la date de distribution effective et la possibilité éventuelle de dissolution dans le futur proche). Si l'actionnariat est composé de personnes physiques ainsi que de sociétés, des conflits en raison d'intérêts divergents pourraient surgir lors de l'assemblée générale.