Le Parlement fait le dernier pas dans la mise en œuvre de la Réforme européenne de l'audit

Spotlight
15 décembre 2016

En 2014, l'Union européenne a adopté une réforme de l'audit de grande envergure. Plus tôt cette année, la Belgique a déjà déterminé les nouvelles limites de la durée du mandat de l'audit. Récemment, le parlement belge a adopté une loi achevant la mise en œuvre de la réforme de l'audit. L'introduction d'un système de rotation obligatoire des commissaires dans les entités d'intérêt public est une nouveauté. En outre, le rôle du comité d'audit est également renforcé et les conditions pour la prestation de services autres que d'audit sont adaptées. Enfin, les clauses "Big Four-only" sont interdites.

La réforme européenne de l'audit repose sur (i) le règlement européen 537/2014/EU et (ii) la directive européenne 2014/56/EU modifiant la directive d'audit 2006/46/EG actuelle. Là où la directive sur l'audit jouit d'un champ d'application général, le règlement sur l'audit se borne aux dénommées entités d'intérêt public (entre autres les sociétés cotées, les établissements de crédit et les entreprises de (ré)assurance) ("EIP").

Pouvez-vous renouveler le mandat de votre commissaire l'année prochaine?

La durée du mandat du contrôleur légal ou du cabinet d'audit chargé du contrôle légal (en Belgique, le "commissaire") dans une EIP est modifiée de façon importante. Bien que la durée du mandat soit de trois ans, il y a une durée maximale de neuf ans. Un commissaire ne peut donc pas exercer plus de trois mandats consécutifs au sein de la même EIP. Une fois cette durée maximale atteinte, une période d'attente de 4 ans s'applique (cooling-off).

L'EIP peut toutefois quand même renouveler exceptionnellement le mandat de son commissaire :

  • jusqu'à un total de 18 ans (donc un maximum de trois mandats supplémentaires de trois ans) à la suite d'une procédure d'appel d'offres; ou
  • jusqu'à un total de 24 ans (donc un maximum de cinq mandats supplémentaires de trois ans) si plusieurs commissaires sont nommés afin d'assurer un contrôle conjoint. 

Après expiration de cette durée maximale, L'EIP peut exceptionnellement nommer son commissaire pour un mandat supplémentaire de deux ans, sur approbation du Collège de supervision des réviseurs d'entreprises.

Ces limitations valent pour tous les membres du réseau auquel appartient le commissaire.

L'introduction d'un système de rotation externe est une intervention importante et a par conséquent été soumise à une disposition transitoire (complexe):

  • dans le cas où le commissaire était déjà en fonction depuis une période consécutive de 20 années ou plus le 16 juin 2014, l'EIP ne pourra plus à nouveau le nommer ou reconduire son mandat à partir du 17 juin 2020;
  • dans le cas où le commissaire était déjà en fonction depuis une période consécutive de 11 jusqu'à 20 années le 16 juin 2014, l'EIP ne pourra plus à nouveau le nommer ou reconduire son mandat à partir du 17 juin 2023.

Pour ce qui est du reste, les règles relatives au système de rotation externe sont d'application à la première année comptable commençant le 17 juin 2016 ou après cette date. Le mandat en cours et ses reconductions antérieures, devront donc être pris en compte afin de déterminer si la durée maximale à déjà été dépassée ou pas.

Votre commissaire, doit-il remplacer son représentant permanent ?

L'associé principal ou les associés principaux chargés du contrôle légal des comptes doivent cesser toute participation au plus tard six ans après leur désignation. Une fois cette durée maximale atteinte, une période d'attente de trois ans est d'application. D'après le texte adopté par le parlement, il semblerait que cela soit plus spécifiquement applicable au représentant permanent du commissaire. Si le mandat est exercé par une personne physique, le commissaire devra transmettre son mandat à un confrère: dans ce cas, la rotation interne obligatoire emporte donc les conséquences de la rotation externe.

Le commissaire devra en outre organiser un système de rotation pour les personnes les plus élevées dans la hiérarchie participant au contrôle légal.

Votre Charte de gouvernance d'entreprise tient-elle compte de la composition et du rôle modifiés du comité d'audit?

En principe, chaque EIP doit installer un comité d'audit. Le comité d'audit des sociétés cotées doit toujours comporter au moins un administrateur indépendant. Concernant les autres EIP (entre autres les établissements de crédit et entreprises de (ré)assurance), le comité d'audit devra par contre être composé d'une majorité d'administrateurs indépendants.

Dorénavant, les membres du comité d'audit des sociétés cotées devront également disposer d'une compétence collective dans le domaine d'activités de la société.

Le comité d'audit reçoit deux nouvelles compétences :

  • Le comité émettra dorénavant aussi une recommandation motivée à l'organe de gestion concernant la nomination du commissaire. Sauf si elle concerne une reconduction normale du mandat, ladite recommandation doit comporter au moins deux choix possibles, ainsi qu'une préférence dument motivée du comité d'audit pour une des possibilités. Cette recommandation (et préférence) devra enfin être reprise dans la convocation de l'assemblée générale des actionnaires devant délibérer sur la nomination. Si l'organe de gestion ne suit pas cette recommandation, il devra assortir cette décision d'une motivation spéciale.
  • A côté de cela, le comité d'audit devra informer l'organe de gestion des résultats du contrôle légal. Il devra également expliquer la façon dont le contrôle légal a contribué à l'intégrité de l'information financière et le rôle que le comité d'audit y a joué.

Sauf lorsqu'il s'agit d'une reconduction ordinaire, la recommandation du comité d'audit doit, en principe, être en outre précédée d'une procédure spéciale de sélection organisée sous la surveillance du comité d'audit.

Enfin, le commissaire d'une EIP doit introduire chaque année un rapport complémentaire auprès du comité d'audit. Ce rapport doit comporter une description détaillée du déroulement du contrôle légal (méthode utilisée, communication avec l'EIP, répartition des tâches en cas de collège de commissaires, calendrier de réalisation, étendue du contrôle, ...).

Votre commissaire preste-t-il des services autres que d'audit (interdits)?

Le commissaire ne peut pas fournir certains services autres que d'audit à la société contrôlée (EIP ou pas), à son entreprise mère ou aux entreprises qu'elle contrôle dans l'Union Européenne. Ces services autres que d'audit interdits comportent entre autres la comptabilité, certains services d'évaluation, certains services juridiques (assistance lors de négociations, représentation en cas de litiges) et des services de ressources humaines.

En ce qui concerne spécifiquement les EIP, entre autres les services suivants sont également des services autres que d'audit interdits: des services fiscaux, des services de paie et des conseils juridiques généraux.

D'autres "services autres que d'audit" pour des EIP peuvent être fournis, mais le total des honoraires pour ces services ne peut pas comporter plus de 70% de la moyenne des honoraires versés au cours des trois derniers exercices consécutifs pour le contrôle légal des comptes (consolidés) de l'EIP, et de son entreprise mère et des entreprises qu'elle contrôle.

Pour les non-EIP faisant partie d'un groupe devant établir des états financiers consolidés, la règle "one to one" reste d'application (bien que son mode de calcul ait été adapté).

Vos contrats contiennent-ils des clauses "Big Four-only" interdites?

Toute clause contractuelle qui limiterait le choix de l'assemblée générale des actionnaires concernant la nomination du commissaire à certaines listes ou catégories de contrôleurs légaux et de cabinets d'audit sera à l'avenir sanctionnée de nullité.