Le travail faisable et maniable: les mesures directement applicables au sein de votre entreprise

Spotlight
15 juin 2017

La loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable vise à moderniser et flexibiliser le droit du travail. Cette loi est composée de deux parties: un "socle" de mesures qui sont directement applicables et un "menu", qui peut être activé au niveau sectoriel ou de l'entreprise. Nous dressons ici un aperçu des mesures qui sont directement applicables au sein de votre entreprise concernant la durée du travail, le télétravail occasionnel et la formation.

En préparation depuis plusieurs mois, la loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable vise à moderniser et flexibiliser le droit du travail. Cette loi est composée de deux parties, un "socle" de mesures qui sont directement applicables et un "menu", qui peut être activé au niveau sectoriel ou de l'entreprise (voir Eubelius Spotlight septembre 2016). La loi est entrée en vigueur de manière rétroactive le 1er février 2017 (avec néanmoins des exceptions pour certaines mesures). Ici nous dressons un aperçu des mesures qui sont directement applicables au sein de votre entreprise concernant la durée du travail, le télétravail occasionnel et la formation. Les mesures du "menu" (entre autres la simplification du travail à temps partiel, les horaires flottants, le groupement d'employeurs,…) feront l'objet d'aperçus ultérieurs.

La durée de travail

Les règles suivantes en matière de durée de travail sont modifiées :

      Le régime de "petite flexibilité"

Le régime de "petite flexibilité" (article 20bis de la loi sur le travail du 16 mars 1971) est maintenu, mais la période de référence pour mesurer la durée hebdomadaire de travail est désormais fixée à une année civile ou une autre période de 12 mois. Jusqu'ici, la période de référence était fixée à trois mois, et pouvait être prolongée à un an.

La petite flexibilité peut être introduite par le biais de conventions collectives de travail ou du règlement de travail. Il est important d'avoir égard à l'éventuelle réglementation sectorielle. La procédure d'introduction a été simplifiée.

Les conventions collectives de travail fixant des périodes de référence plus courtes, déposées au greffe de la Direction Générale des relations collectives du SPF Emploi, Travail et Concertation Sociale au plus tard le 31 janvier 2017, restent d'application tant qu'elles ne sont pas modifiées. Il en va de même pour les dispositions du règlement de travail à ce sujet insérées avant le 31 janvier 2017.

      Heures supplémentaires volontaires

L'employeur qui le souhaite peut proposer aux travailleurs de prester 100 heures supplémentaires volontaires par année civile. Une convention collective de travail rendue obligatoire par arrêté royal peut porter ce total jusqu'à 360 heures supplémentaires volontaires par année civile.

Ces heures supplémentaires ne peuvent amener à travailler plus de 11 heures par jour et 50 heures par semaine.
L'employeur et le travailleur doivent, avant la prestation des heures supplémentaires volontaires, conclure un accord individuel, qui doit être renouvelé tous les six mois. Une convention collective sectorielle peut fixer d'autres règles en rapport avec l'accord individuel.

Notons que ces heures supplémentaires volontaires donnent lieu au paiement d'un salaire et sursalaire, mais pas au repos compensatoire.

      Heures prestées au-delà de la durée hebdomadaire normale de travail

La limite interne d'heures prestées au-delà de la durée hebdomadaire normale de travail sans se voir octroyer de repos compensatoire est relevée à 143 heures durant la période de référence applicable. Les 25 premières heures supplémentaires volontaires ne rentrent pas en ligne de compte dans le calcul des 143 heures. Une convention collective de travail rendue obligatoire par arrêté royal peut augmenter ce total de 143 heures, ainsi que le nombre d'heures supplémentaires volontaires qui ne rentrent pas en ligne de compte.

Télétravail occasionnel

      Quoi ?

Le télétravail "régulier et non-occasionnel" était déjà réglé par la CCT n° 85. La loi concernant le travail faisable et maniable a à présent également créé un cadre légal pour le télétravail occasionnel, c'est-à-dire le télétravail qui n'est pas "régulier et non-occasionnel".

Le télétravail occasionnel vise des cas de force majeure (par exemple grève de train imprévue ou même une grève au sein de l'entreprise) ou des raisons personnelles (par exemple visite chez un dentiste) qui empêcheraient le travailleur d'exercer sa prestation de travail dans les locaux de l'entreprise de l'employeur.

      Pour quels travailleurs ?

Le télétravail occasionnel peut être demandé dès le 1er février 2017 par les travailleurs. C'est toutefois uniquement possible pour les travailleurs qui exercent une fonction et/ou activité compatible avec le télétravail occasionnel. Il est recommandé de clairement préciser quelles fonctions et/ou activités sont visées au sein de votre entreprise.

      Procédure

Le travailleur doit demander le télétravail occasionnel préalablement et dans un délai raisonnable à son employeur en indiquant le motif.

L'employeur peut refuser la demande. Le refus doit se faire par écrit (sur papier ou par mail) le plus rapidement possible et doit mentionner les raisons (par exemple réunion où la présence du travailleur est requise, abus par le travailleur). L'accord sur le télétravail sera de préférence constaté par écrit.

      Droits et obligations

Le télétravail occasionnel peut être effectué au domicile du travailleur ou à tout autre lieu choisi par le travailleur.
Le télétravailleur occasionnel organise lui-même son travail dans le cadre de la durée du travail applicable dans l'entreprise. Le travailleur devra donc prester le nombre d'heures prévues dans son horaire de travail, sans avoir à respecter strictement son horaire de travail à cet égard.
L'employeur et le travailleur doivent s'accorder sur les modalités du télétravail occasionnel, notamment en ce qui concerne:

  • la mise à disposition éventuelle de l'équipement nécessaire pour le télétravail occasionnel et le support technique; 
  • l'éventuelle accessibilité du travailleur pendant le télétravail occasionnel; et 
  • la prise en charge éventuelle des frais relatifs au télétravail occasionnel. 

Ces accords individuels seront de préférence constatés par écrit (document signé par les deux parties, échange d'e-mails,…). Il est utile de dresser un document standard avec les accords minimaux.

      Politique d'entreprise

Il est vivement recommandé de fixer un cadre clair pour l'exercice du droit au télétravail occasionnel au sein de l'entreprise. Cela peut se faire dans le cadre du règlement de travail, dans une convention collective de travail ou par le biais d'une politique d'entreprise. Ces modalités doivent comporter au moins:

  • les fonctions et/ou activités compatibles avec le télétravail occasionnel; 
  • la procédure pour le demander et l'autoriser; 
  • la mise à disposition d'équipement nécessaire par l'employeur;
  • l'éventuelle disponibilité du télétravailleur; et 
  • l'éventuelle indemnité pour les frais liés au télétravail occasionnel.

Il est également recommandé de documenter quels travailleurs peuvent faire usage du télétravail occasionnel, quand, et pour quelles raisons.

Formation

Par le passé, une somme de 1,9% de la masse salariale totale devait être consacrée à la formation des travailleurs, avec une cotisation spéciale de 0,05% pour les entreprises dont les secteurs n'avaient pas fait assez d'efforts de formation. La Cour Constitutionnelle a annulé ce système pour violation des principes d'égalité et de non-discrimination.

La loi concernant le travail faisable et maniable a élaboré un nouvel objectif interprofessionnel de 5 jours de formation en moyenne par équivalent temps plein par an.

Cet objectif ne vaut que pour les employeurs occupant au moins 20 travailleurs. Les entreprises occupant entre 10 et 20 travailleurs sont soumises à un régime dérogatoire qui doit encore être déterminé par arrêté royal. Les entreprises de moins de 10 travailleurs sont exemptées d'effort de formation.

Cet objectif est toutefois exécuté en cascade :

  • L'objectif de 5 jours doit être concrétisé par le biais d'une convention collective de travail conclue au sein d'une commission paritaire, qui prévoit minimum deux jours de formation en moyenne par an par équivalent temps plein et une trajectoire de croissance permettant d'arriver, à terme, à l'objectif de 5 jours. Ainsi, de nouvelles conventions collectives de travail relatives à la formation ont-elles été conclues récemment au sein des CP 207 et 226.
  • A défaut de convention collective, chaque travailleur aura un compte formation individuel, qui lui donnera droit à deux jours de formation par an minimum et qui prévoira aussi une trajectoire de croissance. La manière de calculer ce compte formation doit toutefois encore être précisée par arrêté royal.
  • Tant qu'il n'existe pas de convention collective au sein de la commission paritaire et qu'il n'est pas non plus donné d'exécution au compte formation individuel, le droit à la formation reste limité à 2 jours de formation en moyenne par équivalent temps plein par an à partir du 1er janvier 2017. La formation peut être suivie par le travailleur soit pendant, soit en dehors de ses heures normales de travail. Lorsque la formation a lieu en dehors des heures normales de travail, les heures pendant lesquelles la formation est suivie donnent droit au paiement de la rémunération normale, sans donner droit au paiement d'un sursalaire éventuel.

Il est donc important de suivre avec attention quels accords sont conclus à ce propos au sein de la commission paritaire à laquelle ressortit votre entreprise.

Conclusion

Ces mesures s'appliquent déjà depuis le 1er février 2017. Mieux vaut donc ne pas attendre trop longtemps pour en estimer l'impact concret au sein de votre entreprise et pour élaborer une politique. Il est également important de suivre les accords conclus au sein de votre commission paritaire en la matière.