Le Conseil d'Etat qualifie de marchés publics les projets PPP pour le développement local

Spotlight
15 décembre 2017

Un pouvoir adjudicateur ne dispose pas d'une totale liberté dans le cadre des projets PPP pour le développement local lorsqu'il détermine s'il applique ou non les réglementations en matière de marchés publics. Dans deux arrêts récents traitant d'affaires similaires, le Conseil d'État a sanctionné un pouvoir adjudicateur, qui, de manière irrégulière, n'a pas considéré un projet comme étant un marché public de travaux. Si un pouvoir adjudicateur n'a pas qualifié, de manière irrégulière, un projet comme étant un marché public, il court le risque que toute la procédure d'attribution soit déclarée illégale. 


Le 30 novembre 2017, le Conseil d'État s'est prononcé sur deux recours en suspension introduits selon la procédure d'extrême urgence (arrêts n° 240.043 et 240.044). Les recours portent sur les procédures de sélection de deux « projets de développement local ». Dans les deux dossiers, le pouvoir adjudicateur a décidé de ne pas sélectionner la partie requérante car, selon le pouvoir adjudicateur, cette dernière n'avait pas à suffisance l'expérience requise et ce, bien qu'elle ait eu recours aux expériences professionnelles d'une autre entreprise.

Les deux cas concernaient un projet où le pouvoir adjudicateur octroyait, contre un prix, un droit réel indéfini au partenaire privé sur les terrains des projets. En outre, le partenaire privé devait construire des bâtiments (avec une fonction résidentielle) dont le pouvoir adjudicateur avait défini, de manière très précise, les exigences auxquelles ces bâtiments devaient satisfaire. Le droit réel devait être expressément octroyé sous cette condition. De plus, une partie des projets concernait aussi des travaux sur le domaine public et qui donc, par définition, était directement effectuée au profit du pouvoir adjudicateur.

Selon le Conseil d'État, le pouvoir adjudicateur a supposé à tort que les deux projets ne concernaient pas un marché public de travaux.

Dans les arrêts, le Conseil d'Etat développe un raisonnement par étapes dans lequel il examine les deux projets au regard des différents éléments de la définition juridique d'un marché public de travaux. 

Le Conseil d'Etat accepte, sans qu'il le motive en détail, que les deux cas concernaient des contrats à titre onéreux. A notre avis, cela semble logique, eu égard aux différents avantages (économiques) que rapporteraient les projets aux deux parties.

En revanche, le Conseil d'Etat entre dans son appréciation bien dans les détails de la condition suivante : « L'exécution ou la conception d'une construction qui répond aux besoins identifiés par le pouvoir adjudicateur ».

Quand bien même un pouvoir adjudicateur aurait qualifié différemment un projet, il y a toujours un marché public de travaux si un pouvoir adjudicateur a exercé une influence décisive sur la conception et la réalisation du projet.

Par conséquent, il ne peut en aucun cas exclure l'application de la réglementation des marchés publics s'il ressort du dossier de sélection que le pouvoir adjudicateur « veut contrôler la gestion du projet du début à la fin », c'est-à-dire « qu'il impose, dans une large mesure, sa volonté au partenaire privé » et qu'il « décide unilatéralement la manière dont le projet doit être développé ». 

De plus, le fait qu'un projet fasse partie d'un accord octroyant un droit réel n'empêche pas l'applicabilité de la réglementation des marchés publics.

Après avoir examiné cette condition, le Conseil d'État décide que les contrats en question sont des marchés publics de travaux. En conséquence, le pouvoir adjudicateur avait dû appliquer tous les dispositions du droit des marchés publics, et ce sans exception. Dans ces cas-ci, il n'aurait donc pas pu écarter la partie requérante pour la seule raison qu'elle se basait sur des références émanant d'un tiers, ce qui constitue un droit pour chacun des candidats en droit public.

Enfin, le Conseil d'Etat semble permettre à une partie requérante de formuler ses objections juridiques au dossier de sélection et à la procédure de sélection pour la première fois dans sa requête, même si elle avait déjà déclaré son accord avec la procédure choisie dans le cadre de la procédure de sélection. On ne peut en effet attendre des candidats qu'ils expriment leurs objections à l'avance s'ils n'ont qu'un très court délai pour présenter leur candidature et si le problème de la qualification du marché lui-même est déjà très complexe.

Le Conseil d'Etat confirme clairement avec ces arrêts que les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas autorisés à passer outre les réglementations en matière de marchés publics.