La responsabilité particulière des gérants d'une SPRL en faillite pour des cotisations sociales impayées passe le test constitutionnel

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15 juin 2014

Dans un arrêt du 8 mai 2014, la Cour constitutionnelle confirme que la responsabilité d'un gérant d'une SPRL en faillite pour des cotisations sociales impayées n'est pas un automatisme. Le tribunal dispose en effet d'une marge d'évaluation et peut tenir compte entre autres de la bonne foi du gérant.

Aux termes de l'article 265, § 2, du Code des Sociétés, l'ONSS et le curateur peuvent tenir les gérants d'une SPRL en faillite personnellement et solidairement responsables pour la totalité ou une partie de toutes les cotisations sociales dues au moment de la faillite.

Dans ce cadre, l'existence ou non de leur responsabilité est fonction de l'accomplissement d'une condition alternative : soit il doit être constaté qu'une faute grave commise par eux a été à la base de la faillite, soit il doit être constaté qu'ils ont été impliqués, pendant une période précédant de cinq ans la faillite de la société, dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires accompagnées de dettes auprès de la sécurité sociale.

Le régime de responsabilité particulière s'applique aux gérants, aux anciens gérants et à toutes les autres personnes qui ont exercé un réel pouvoir d'administration à l'égard des affaires de la société. Un régime analogue de responsabilité particulière existe également pour la SCRL et la SA.

En prévoyant la seconde condition alternative susmentionnée, le législateur a introduit une forme de responsabilité objective. Le simple fait de l'accomplissement des conditions requises par la loi peut déboucher en soi sur une responsabilité, sans qu'une quelconque faute ne doive intervenir.

Dans un arrêt du 8 mai 2014, la Cour constitutionnelle a pu se prononcer sur la question de savoir si cette règle sévère est conciliable avec la Constitution. L'arrêt formule une réponse affirmative à la question posée, mais la Cour précise cependant que cette réponse n'est valable que si deux conditions sont remplies.

D'une part, il faut partir de la supposition, dans le cadre de l'application de la disposition législative, que le tribunal est en mesure, en droit et dans les faits, d'apprécier l'ampleur des cotisations sociales dues et que le tribunal dispose dans ce cadre d'un même pouvoir d'appréciation que la partie qui a introduit la requête.

D'autre part, il convient aussi de tenir compte du fait que le législateur a voulu avant tout faire reposer la responsabilité sur les gérants véreux et, sur base de ce fait, le tribunal peut, lors de la détermination de l'ampleur des montants auxquels sera tenu le gérant, tenir compte de la question de savoir s'il était ou non de bonne foi.

C'est surtout en formulant cette dernière condition que la Cour constitutionnelle semble vouloir tendre un argument complémentaire important aux gérants bien intentionnés d'une SPRL en faillite auxquels des comptes sont demandés pour des cotisations sociales impayées. La première condition avait en effet déjà été formulée par la Cour dans le passé, plus précisément dans un arrêt du 17 septembre 2009 relatif à la règle analogue pour les administrateurs d'une SA en faillite.