La définition de PME retravaillée

Spotlight
15 mars 2016

Le premier janvier 2016, la loi et l'arrêté royal du 18 décembre 2015, visant la transposition de la Directive Comptable (Directive 2013/34/EU du 26 juin 2013), entrent en vigueur. Les changements résultant de la loi et de l'arrêté royal correspondent aux attentes (cf. Eubelius Spotlights septembre 2015). Les principaux changements sont exposés ci-après.

Modification de la définition de "petite société"

Les seuils applicables pour qu'une société puisse être qualifiée de "société petite" (art. 15 C. Soc) sont réévalués. A partir du premier janvier 2016, une société est considérée comme étant petite si elle ne dépasse pas plus d'un des seuils suivants à la date de clôture des comptes du dernier exercice comptable:

  • Travailleurs occupés, en moyenne annuelle: 50 (inchangé);
  • Chiffre d'affaires annuel, hors TVA: 9.000.000 euros (avant 7.300.000 euros); et
  • Total du bilan: 4.500.000 euros (avant 3.650.000 euros).

Les critères restent dans les limites définies par la Directive Comptable, et sont essentiellement un ajustement différé à l'indice des prix à la consommation; étant entendu que la dernière adaptation des seuils a eu lieu voilà plus de 10 ans.

Jusqu'à récemment, une société occupant (en moyenne annuelle) plus de 100 travailleurs était qualifiée automatiquement comme étant une "grande société". Le législateur supprime cette exception, permettant aux sociétés occupant plus de 100 travailleurs d'être qualifiées comme étant de "petites sociétés". Néanmoins, ce critère ne disparaît pas complètement: le législateur oblige chaque société avec un conseil d'entreprise de transmettre ses comptes annuels à ce dernier selon le schéma complet. L'assemblée générale doit se prononcer seulement sur les comptes annuels selon le schéma abrégé, ce qui veut dire que l'obligation de préparer et d'approuver les comptes annuels selon le schéma complet relève uniquement de la responsabilité du conseil d'administration. Dans ce cas, le conseil d'administration fera bien de transmettre, en temps et en heure, les comptes annuels selon le schéma complet à l'assemblée générale, et ce à titre informatif.

Introduction de la catégorie des "micro-sociétés"

Le législateur introduit une nouvelle catégorie des sociétés, les "micro-sociétés" (art. 15/1 C.Soc). Les micro-sociétés sont des sociétés qui, à la date de clôture des comptes, ne dépassent pas plus d'un des trois seuils suivants:

  • Travailleurs occupés, en moyenne annuelle: 10;
  • Chiffre d'affaires annuel, hors TVA: 700.000 euros; et
  • Total du bilan: 350.000 euros.

Les micro-sociétés deviennent une sous-catégorie des petites sociétés, et restent donc soumises au droit comptable commun. Toutefois, les charges administratives qui leur incombent ont été simplifiées considérablement. Par exemple, les micro-sociétés peuvent établir leurs comptes annuels selon un schéma-micro, ce qui devra encore être établi par arrêté royal. 

Du "petit groupe" au "groupe de taille réduite"

Le petit groupe de l'article 16 C.Soc. a été rebaptisé "groupe de taille réduite" et les seuils applicables ont été réévalués. Dorénavant un groupe est considéré comme étant un groupe de taille réduite, s'il ne dépasse pas plus d'un des seuils suivants:

  • Travailleurs occupés, en moyenne annuelle: 250 (inchangé);
  • Chiffre d'affaires annuel, hors TVA: 34.000.000 euros (avant 29.200.000 euros); et 
  • Total du bilan: 17.000.000 euros (avant 14.600.000 euros).


Calcul des seuils

Une modification importante concerne le calcul des seuils. Auparavant, les seuils ont toujours été calculés sur base consolidée. Une société petite dans un grand groupe, était toujours qualifiée comme étant une "grande société". Dorénavant, ce calcul sur base consolidée ne sera d'application que vis-à-vis des entreprises mères et des consortiums. Une petite société dans un grand groupe peut donc profiter du statut de droit des sociétés favorable, dont les PME bénéficient.

Au niveau fiscal, le calcul restera fait, comme avant, sur base consolidée. En d'autres termes, une société d'un grand groupe restera une grande société d'un point de vue fiscal, ce qui limite en cette matière l'impact de la modification législative à l'indexation des seuils.

Une autre nouveauté est la disposition anti-abus de droit des sociétés: si une société est fondée à la seule fin de contourner le reportant de certaines informations, le calcul s'effectuera sur base consolidée.

Une différence significative avec le régime précédent, est que le fait de dépasser ou de ne plus dépasser plus d'un des trois critères précités n'a d'incidence, que si cette circonstance se poursuit pendant deux exercices consécutifs (en raison du "principe de consistance"). Un dépassement des seuils, qui ne surviendrait qu'une seule fois, n'aura plus pour conséquence qu'une société perde son statut. Cela garantit que le les obligations de reporting en droit des sociétés (sous le schéma abrégé ou complet des comptes annuels) devienne plus stable et prévisible.

Régime transitoire

La loi du 18 décembre 2015 est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, mais celle-ci prévoit un régime transitoire.

Pour le premier exercice commençant après le 31 décembre 2015, il doit uniquement être déterminé si la société a dépassé plus d'un des seuils du nouvel article 15 du C.Soc. à la date de clôture du bilan du dernier exercice clôturé.

Pour le deuxième exercice commençant après le 31 décembre 2015, le principe de consistance s'applique pleinement: si une société dépasse plus d'un des seuils du nouvel article 15 du C.Soc., les conséquences de ce dépassement ne sortiront leurs effets que si celui-ci se reproduit pendant deux exercices consécutifs.

Une société qui a été qualifiée de grande, mais qui ne dépasse à la date de clôture du 31 décembre 2015 qu'un seul des seuils du nouvel article 15 du C.Soc., sera qualifiée comme une société petite à partir du 1er janvier 2016. Si cette société dépasse plus d'un des seuils du nouvel article 15 du C.Soc. à la date de clôture du bilan du 31 décembre 2016, elle sera toujours qualifié de petite. La société ne sera qualifiée de grande, que si elle dépasse plus d'un des seuils du nouvel article 15 du C.Soc. lors de la clôture de l'exercice suivant.

Conclusion

Une modification des seuils applicables aux PME a toujours un grand impact pratique pour les sociétés visées: le statut de PME est en lien avec l'application de divers régimes d'exception en droit des sociétés. Ainsi, les PME peuvent établir des comptes annuels selon un schéma abrégé (art. 93. C.Soc), ne doivent pas établir de rapport de gestion (art. 94 C.Soc) et n'ont pas l'obligation de nommer un commissaire (art. 141, 2° C.Soc). Par ailleurs, les modifications ont aussi plusieurs avantages en matière fiscale.

Le législateur indexe les seuils, et dans de nombreux cas il ne calcule plus les seuils sur base consolidée. Cela augmentera certainement le nombre de PME. Néanmoins l'impact est limité dans bien de cas, vu que l'application a été circonscrite dans divers domaines. Ainsi, une société occupant plus de 100 travailleurs devra toujours établir les comptes annuels selon le schéma complet, et le législateur (fiscal) continuera à calculer les seuils sur base consolidée.